Résolution fut prise, en quelques secondes. Si Joshua était ici, c'était pour se reposer et manger. Pour ce qui était de ses souvenirs, il verrait après. Bien évidemment, il était dur pour lui d'évoluer dans le présent en ayant à chaque fois ces maudits flashs qui venaient lui bourrer le crane de données sans doute falsifiées et trop anciennes que pour avoir une quelconque importance, mais...
Il était là pour dormir et manger.

D'ailleurs, il redressa la tête lorsqu'une odeur délicate et fumée parvint à ses narines. L'odorat comme la plupart de ses autres sens étaient sur-développés, pourtant, il fut surprit de constater qu'il avait fallut que le plat quitte la cuisine pour que l'odeur l'atteigne.
A cette constatation, qui prouvait à quel point son niveau avait baissé durant tout le temps dont il ne se souvenait pas, Joshua fronça les sourcils.
Il fût aussi obligé de quitter le regard du met délicat qui se pointait à l'horizon lorsqu'un homme - enfin, la taille d'un homme - passa dans sa ligne de vision. Par automatisme, Joshua releva les yeux, constatant, sans surprise, qu'il était question de son voisin de table.

« Puis-je m'asseoir en votre compagnie ? Vous semblez très intéressez par ceci. »

► Non.

« Bien sûr, installez-vous. En effet, tous les livres attirent mon regard. »

Mentalement, l'homme aux cheveux rouges poussa un long soupire lourd de sens. Pourtant, il n'en montra rien. Un nouveau sourire apparu sur ses lèvres. Pour ce qui était de la drague, il espérait avoir refroidit les ardeurs de l'autre. Tout en sachant, au fond de lui, que si l'autre était venu le déranger, ce n'était en rien pour cela.
L'aubergiste, homme aimable à qui Joshua pensait donner un pourboire sérieusement conséquent s'il parvenait à foutre le gars à lunette loin de sa table, venait de lui porter son repas. Il lui fit à lui aussi un sourire, pas suppliant pour un sous, fier et poli.

« Bon appétit.

- Merci. »

De la viande. Exactement ce qu'il lui fallait. Une viande quelconque, mais de la chaire, du sang, quelque chose qui a vécu et qui est mort. Il prit ses couverts, avide, et les planta dans la viande avant de relever son regard sur l'homme assit en face de lui.
Était-il la seule personne un tant soit peu poli de cet établissement? Il leva les yeux au ciel, avant d'ouvrir la bouche et d'y enfourner un grand morceau de steak.
Avec un peu de chance, l'énergumène devant lui songerait à s'en aller pour le laisser diner en paix. Pourtant, il semblait à Joshua qu'il en serait du contraire. Avalant sa nourriture, puis passant la serviette délicatement sur ses lèvres avant de la poser aux côtés de son assiette, Joshua prit la parole.

« Vous connaissez beaucoup de livre Terriens? »

Quitte à discuter, le Fire Monster, comme il était appelé à une époque, entreprit de poser des questions auxquels il souhaitait avoir les réponses.
D'ailleurs, pourquoi parlait-il? Il aurait pu se lever, foutre une branlée à cet inconnu un peu trop entreprenant, agir comme Joshua Thacker l'aurait toujours fait. Mais il n'en était pas question. D'abord parce qu'il avait commandé une chambre et qu'il souhaitait l'avoir. Ensuite parce que cet homme avait un objet qui l'intéressait et puis, surtout...Parce qu'il ne sentait aucune chaleur dans ses mains. Absolument rien. Il était glacial, et cela ne présageait rien de bon quant à ses pouvoirs.
Plus de chaleur, plus de feu. Plus de Fire Monster. Il grinça des dents.
Au moins, la viande était bonne.

Pas tellement dérangeant, mais pas vraiment appréciable non plus. Voilà ce que conclut Joshua tout en avalant un deuxième morceau de viande. Il ne cessait de relever le regard vers l'inconnu, avant de le laisser retomber sur son assiette où il plantait sa fourchette au hasard. Pomme de terre, légumes frais, il jouait à goûter chaque aliment séparé et avouait en apprécier les saveurs.

« Disons que certains m'intéressent. Et par moment, j'aime y faire un tour. »

Faire un tour sur Terre. Joshua esquissa un léger sourire. Il fallait être complètement givré pour considérer cette planète comme un coin paisible où aller "faire un tour". Son seul voyage là-bas lui laissait encore quelques traces assez...Désagréables.
D'ailleurs...Joshua posa sa fourchette. Faire un tour. Voyager sur des planètes. Il fronça les sourcils. Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt?

« Êtes-vous déjà allé là-bas ? »

Voilà. Le doute n'était presque plus permis. Rares étaient ceux qui pouvaient passer de mondes en mondes. Plus rares encore étaient ceux qui daignaient en parler avec d'autres.
Par chance, le passage de la Gate via la Mog's n'effaçait jamais qu'un infime instant de vie passé sur la base. Pour Joshua, toute l'histoire de son passé en tant qu'agent et nihiliste était encore fraiche. Ainsi, il se rappelait.
Mais cela ne voulait rien dire. Peut-être cet homme était-il juste un adepte des voyages et avait-il reconnu en Joshua un ancien compagnon. Impossible, certes, mais il était question de la Terre, et Joshua ne pouvait ignorer cela. Il avait besoin d'informations. Même si cet homme ne lui plaisait pas.
Il ricana, gardant toujours son couteau en main.

« Non, mais j'en ai quelque peu entendu parler. Il n'est, parait-il, pas bon d'y vivre. »

Il fit une pause, prenant son verre d'eau pour en boire une gorgée.

« Qu'y faites-vous exactement? Enfin, si cela n'est pas trop indiscret, évidemment...»

La franchise, le mensonge. Voilà une chose que Joshua pouvait aisément reconnaître. Cette question d'ailleurs, n'était pas sans intérêt. Si l'homme devant lui mentait, c'est qu'il n'était pas là pour rien.
Peut-être même était-il là pour faire la peau à Joshua? Après tout, qu'en savait-il? Durant son absence, peut-être s'était-il embourbé dans de sales affaires et était-il recherché sur de nombreuses planètes? Il grinça à nouveau des dents. La Mog's l'aurait arrêté.
La Mog's, les nihilistes. On en revenait toujours à ça. Fichtre. Qu'avait-il fait pendant ce laps de temps dont il ne se souvenait plus?

Il devait brûler la lettre, dans sa poche. Ou tout du moins la cacher. L'autre ne lui inspirait pas confiance. Du tout.

Ob-ser-va-teur. Et lecteur qui plus est. Cet homme, au fond, donnait à être connu. Et apprécié. Si Joshua en doutait jusque là, il se renfrogna sur lui-même, légèrement en colère de s'être si simplement trompé. S'ils avaient des passions communes, il ne pouvait être qu'évident qu'ils avaient des atomes crochus que pour s'entendre. Puis, Joshua devait l'admettre : Discuter en mangeant était bien plus agréable que de regarder une masse compacte de débiles profonds faire leurs achats dans la rue adjacente.
Quand bien même. Point commun ou pas, il devait rester sur ses gardes. Il ne se trompait jamais tout à fait, encore moins sur une première impression.

« Et qu'est-ce qui vous amène par ici ? »

Donnant-donnant. La règle était posée, sans doute depuis le début de la conversation. C'était équitable, et Joshua était d'accord pour ce système. Après tout, s'il ne voulait ni combattre ni faire cesser cette conversation, il se devait de répondre.
Cette fois, d'ailleurs, il mettrait tout mensonge de côté.

« Prendre l'air, me reposer. Observer, aussi. »

Cette fois, il posa ses deux couverts. Son assiette, à présent vide devant lui, était la preuve qu'il avait fait bonne chaire. Il n'hésita d'ailleurs pas à héler le serveur pour lui demander de débarrasser et de lui servir, à lui aussi, un café bien noir et corsé.
Lorsque le serveur s'en alla vers le comptoir, les deux femmes se levèrent et quittèrent la salle pour régler leur addition. A l'instant, Joshua plissa les yeux. Être seul avec l'étranger, au fond, ne le dérangeait pas outre mesure. Cependant, il fit mine de se lever, reculant délicatement sa chaise pour ne pas griffer le parquet.

« Excusez-moi, je reviens dans un court instant. »

Il replaça sa chaise tout aussi doucement et se dirigea à grandes enjambées vers le panneau qui pointait les toilettes. Tout en marchant, il prit soin de dissimuler au creux de sa paume la lettre qu'il venait de sortir de sa poche et qu'il commençait déjà à déchirer en petits morceaux.
Il franchit la porte des toilettes en la poussant du bout du pied et se glissa comme une ombre à l'intérieur. Refermant la porte des toilettes avec le verrous et s'enfermant une seconde fois dans une des cabines, il entreprit de jeter les minuscules morceaux de papier dans la cuvette. Puis il ouvrit sa braguette, se permit de décompresser un léger instant avant de tirer la chasse.

« Une bonne chose de faite. »

Sortant de la cabine, il alla déverrouiller l'accès aux toilettes, permettant ainsi à toute autre personne d'y entrer, puis s'en alla vers les éviers où il entreprit de se laver les mains.

► Maintenant que c'est fait, je me sens étrangement mieux. Cet homme, dont je ne sais toujours pas le nom, à l'air de s'intéresser un peu trop à moi, et ça ne me rassure pas. Il a beau avoir des centres d'intérêts très intéressants, ça ne veut rien dire...

Il grinça des dents, par habitude, puis se lança un regard étonné.
Bon dieu. Il avait une cicatrice. Une cicatrice qu'il n'avait pas, avant. Ou tout du moins, pas dans ses souvenirs. Située juste au niveau du cou, cachée par le col de sa chemise sur lequel il se mit à tirer, arrachant par brutalité le premier bouton.

« Bordel! »

Elle s'étalait, de la base de son oreille droite jusqu'à la gauche. Par chance, elle avait l'air de s'effacer et n'était sans doute plus aussi visible que lors de sa création.
Il n'empêche que ça lui foutait un choc. Il cligna plusieurs fois des yeux, sans comprendre. Où avait-il chopé ça?

Pendant quelques minutes, se sachant seul, Joshua se regarda dans le miroir. Prit d'un mauvais sentiment, il déboutonna sa chemise, découvrant petit à petit de nombreuses cicatrices dont il n'avait pas connaissance. Son sourire tantôt si sympathique s'était fait machiavélique. Quatre longes griffes parallèles s'étendaient sur son torse. De son coeur jusqu'à la hanche droite. Il posa le bout de ses doigts sur son armure, se rapprocha du miroir. Sa respiration se fit rare, aussitôt.

« Comment...Est-ce possible? »

La partie métallique de son corps était griffées. Vraiment, profondément. Sa peau n'était toujours pas visible, mais...
Il poussa un long soupire et se pencha sur le lavabo, passant ses mains sur son visage. Il ne se souvenait vraiment de rien. Pas un flash cette fois, rien du tout. Il se doutait juste que c'était très grave, et qu'il avait faillit y passer. Ses cicatrices, quoique visibles, n'étaient plus douloureuses. Mais il avait dû souffrir comme un chien pendant des mois.

Quelques secondes plus tard, il ouvrit sans un bruit la porte des toilettes, d'où il aperçu le dos de son interlocuteur qui...Semble-t-il, avait trouvé un nouveau compagnon de discussion. Par automatisme, Joshua colla son dos à la porte et se concentra pour écouter.
Il avait une moins bonne audition qu'auparavant.

«... Pas le moment. Je suis avec une recrue potentielle. »

Il fronça les sourcils. Recrue potentielle? Avec le plus possible de concentration toujours, il se focalisa sur la voix d'une inconnue. Mais rien n'y fit. Il fut absolument incapable d'entendre ce que disait l'autre personne, à tel point qu'il laissa tomber. Il n'entendit pas non plus la suite de ce que dit l'homme, puisqu'il se mit à parler plus pas. Avait-il entendu Joshua arriver? Hm. Dans tous les cas, il attendit la fin de la conversation...Et ouvrit grand les yeux, étouffant un léger rire.
Nihiliste. Le bracelet. Enfin, si ça marche toujours comme avant...Les agents eux, utilisent les bagues.

« Me voilà. Pas trop dur, de recruter sur Traverse? »

Il ne prit pas la peine de tirer la chaise pour s'asseoir et s'y posa sans délicatesse, posant le coude sur la table où trônait à présent son café. Dérangeant le lecteur - ce qu'il aurait détesté s'il avait été lui-même en train de lire - il se mit à le fixer, trempant son index dans le café brûlant.
Durant quelques secondes, il s'amusa à faire tourner le liquide. Puis, relevant son regard vers l'inconnu, il sortit son doigt du breuvage noir et le laissa égoutter.

« Qui êtes-vous exactement? Et que me voulez-vous, surtout. »

Tout en disant cela, il avait remonté son doigt vers sa bouche. Tout en soutenant la vue de l'homme - mais sans jamais le regarder dans les yeux - il suçota son doigt avant de saisir l'anse de sa tasse en gardant son doigt humide en l'air. La tasse à portée de lèvre, il esquissa un sourire et se mit à boire.
Lorsqu'il reposa sa tasse, elle était vide. La brûlure sur sa langue et dans sa gorge lui fit un bien absolu.

« Disons que ce n'est pas toujours simple. Mais le fait que tu poses la question m'évites déjà d'aborder le sujet. »

Il n'en fallut pas tout à fait plus à Joshua pour comprendre. Cette simple phrase et le sourire à présent si menaçant de l'homme avaient tout révélé. Ce n'était pas une bonne gens à qui il parlait depuis plusieurs instants. Mais qu'importe, au fond, puisque Joshua lui-même n'est pas quelqu'un de bon? Est-ce que quelqu'un dans sa position pourrait juger un inconnu? Il rendit à l'homme son sourire machiavélique, tout en jouant avec le rebord de sa tasse.
Ainsi, il ne s'était pas trompé. La recrue dont il avait parlé, n'était autre que Joshua. L'aveu rapide plaisait autant au concerné qu'à l'étranger, ce qui fit penser au Fire Monster qu'il avait trouvé là un autre point commun avec son recruteur. Mais la question n'était pas là. De quel association était-il recruteur, exactement?

« Connais-tu le Néant ? »

Joshua ouvrit la bouche un millième de seconde. Un millième de trop, car la surprise eut le temps d'être remarquée par son interlocuteur tandis qu'il se reconstruisait un faciès de neutralité. En temps normal, il n'aurait pas commis cette erreur. Mais il devait avouer que le destin lui jouait une blague assez énorme, au vue des circonstances.
Qui oublie son passé est condamné à le revivre, songea-t-il en apposant un nouveau sourire sur son visage. Jamais rien n'avait été aussi vrai. Comme réponse, il hocha positivement la tête et cessa de jouer, croisant les bras pour écouter attentivement ce que l'autre avait à dire.

« Je suis leur envoyé spécial pour, disons, comme tu l'as entendu, recruter de nouveaux hommes dans nos rangs. »

Il avait noté, dans cette phrase comme dans la précédente, un passage net du vouvoiement au tutoiement, ce qu'il ne laisserait pas sans réponse. Le jeu du respect en était donc là, et il l'accepta sans rechigner. Parler du Néant les rapprochait, Joshua n'en doutait pas. Et il savait qu'il en courait plus à jouer cartes sur table avec cette partie là de guerre qu'avec celle de la Mog's. S'il disait qu'il avait déjà trahit le Néant dans le futur, le jeune homme aux cheveux rouges ne doutait pas de sa courte survie.

« Tu as un talent pour repérer les nouveaux venus. Je viens tout juste de quitter la Mog's. Ou plutôt, de me faire gentiment effacer la mémoire par une débutante. »

Il sourit à pleine dent, cette fois. Comment pouvait-on douter une seule seconde de sa sincérité? Lui qui avait tant voulu rejoindre à nouveau les Nihilistes depuis sa capture...Et s'il surprenait un peu son recruteur?

« J'accepte. »

Se relevant, il garda son regard pointé vers son nouveau chef.

« Je m'appelle Joshua Thacker, je suis, avec plaisir, ta nouvelle recrue. Mais pas avant avoir passé une bonne nuit de repos. Ça te va? »

Tout sous-entendait, dans sa façon d'être et de parler, qu'il n'avait absolument pas besoin d'entendre plus d'informations sur le camp qu'il rejoignait. Connaître les dirigeant, le code de l'honneur, toutes ces futilités, il n'en avait que faire. Au pire, elles lui seront expliquées lors de sa première mission, à lui qui s'en souvenait à la lettre près. Oh bien sûr, il ne se doutait pas qu'il y avait eut tant de changements depuis son départ, mais qu'en avait-il à faire? Il savait qu'en étant chez eux, il aurait plus de liberté pour rechercher son passé. Et qu'en tant que Mercenaire, la vie lui paraitrait sans doute trop fade. Il voulait à nouveau faire le mal, ça lui manquait.
Et il voulait faire la peau à celui qui lui avait volé son passé et sa mémoire.

Mais avant tout, il devait dormir. Il s'étira puis poussa un long bâillement, tout en tendant la main à l'homme.

« Puis-je au moins connaître ton nom? »

« Juste, Soul. »

Il eut un sourire, puis un nouveau signe de tête. En partant, Joshua indiqua qu'il l'attendrait à cette même table plus tard dans la journée. Ou la soirée. Il n'était absolument pas certain de l'avancer du temps sur cette planète et au fond, puisqu'il ne comptait pas y rester plus qu'une soirée, il s'en fichait.
Sur ce, faisant un signe de main tout en tournant le dos au dénommé Soul, il se dirigea vers le comptoir, où il se sentit gêné - Enfin, où il fit semblant de l'être - de déranger l'aubergiste dans sa sieste. Tout doucement, comme pour ne pas le réveiller, il lui dit de déposer sa note sur le compte de "Soul" qui se chargerait, sans soucis, de tout payer. En prononçant cela, il se retourna pour jeter un coup d'œil à l'homme toujours assit à la table, à qui il fit un clin d'oeil et un sourire. Rien de bien méchant, au contraire, tandis qu'il prenait la clef de sa chambre en remerciant le patron de la guérite. Il se dirigea ensuite vers les escaliers, souhaitant une bonne nuit aux derniers occupants de l'hôtel.

Sa nuit, à lui, il en profiterait. Déjà pour essayer de se remémorer le nom de l'homme. Était-il utile de dire qu'il avait une très mauvaise mémoire des noms? Ce qui était particulièrement étonnant d'ailleurs, vu ses capacités de mémorisations. Enfin bref, il s'en fichait pas mal. Disons juste qu'il aurait souhaité essayer d'être poli au moins le premier jour, histoire de.
Histoire de quoi d'ailleurs, il n'en savait rien. Il devenait peut-être un peu trop gentil, avec l'âge, et cela le fit pousser un soupire.

« 13...13...Ah, chambre numéro 13! »

Était-ce le coup du hasard? Il leva les yeux au ciel. Le hasard n'existe pas, il le savait très bien. Mais étrangement, bien qu'il fut néant, il avait tout de même une étrange façon de s'acharner sur lui.
Tout en ouvrant la porte, Joshua prit conscience de la fatigue qui pesait sur ses épaules. Depuis quand, exactement, n'avait-il pas dormit sur un bon lit? Le sol de la base de la Mog's, ne comptait évidemment pas comme étant un nid douillet, ça va s'en dire. Alors, s'il comptait l'heure et demie depuis laquelle il était arrivé sur Traverse, ainsi que les dix heures possibles passées dans une navette puis dans la base...Cela faisait environ une demi journée qu'il avait quitté le lieu où il se trouvait.

Il referma la porte derrière lui et la verrouilla soigneusement, posant ensuite la clef sur le guéridon près de son lit. Avant toutes choses, il retira ses vêtements en se dirigeant vers la salle de bain. Il fit en même temps l'inventaire de ce qu'il portait, soit une paire de chaussures de sécurité, un caleçon noir, des chaussettes de sport blanches, une chemise noire, un tee-shirt blanc, le collier qu'il ne retirait jamais ainsi que quelques bagues et deux bracelets. Ce qu'il porte d'habitude, donc. Il y a juste cette clef, dans sa poche, et ce bout de papier où est noté une sorte de code.
Nu, dans la salle de bain, il joue avec la clef, la détail, l'observe, et ne se rappel pas. Alors vexé de cet oubli, il la repose sur le lavabo et entre sans hésitation dans la cabine de douche. D'un geste rageur, d'une main colérique, il ouvre l'arrivée d'eau et saisit le pommeau.

Une bonne demi-heure plus tard seulement, il revient dans la chambre, tenant toujours cette foutue clef et ce misérable bout de papier. Une serviette blanche nouée autour de sa taille, une autre posée sur les épaules et des chaussons aux pieds, il s'installe sur son lit.

► J'avais presque oublié à quel point tout cela était bon...

Durant quelques minutes, il resta comme cela, les pieds posés au sol et le dos sur les draps moelleux. Combien de temps étaient passés depuis son dernier souvenir? Sa dernière date en mémoire...2010. Août 2010, la terre. Avec un peu plus de précision. Il était certain...Le 18, ou quelque chose comme ça oui. Le 18 août 2010, sur Terre. Voilà le dernier jour de sa vie dont il se souvient.
Mais quelle était la date, sur Terre, aujourd'hui? Il ne le saurait qu'en le demandant à...Au mec.

► C'est déjà une bonne base. Mais quel est le rapport avec cette clef, et ce code?

Un long soupire fit trembler la feuille dans sa main. Avec toute l'intelligence du monde, il ne pourrait résoudre ce problème s'il ne dormait pas un peu avant. Joshua se redressa donc, coinçant ses derniers souvenirs dans l'ourlet de son pantalon. Il retira la serviette de sa taille et remit son caleçon, sécha une dernière fois ses cheveux et balança les deux essuies dans la mâle à linge de la salle-de-bain.
Enfin, il replia ses vêtements, passa à nouveau la main sur son armure et s'endormit comme un enfant, au creux de son lit, bercé par les murmures qui lui parvenaient de la rue.


Neuf heure plus tard, assit à la même table que la veille, l'homme aux cheveux rouges buvait un café noir et mangeait un croissant. Son troisième, pour être exacte. Il ne savait pas exactement depuis combien de temps il n'avait pas mangé, mais il était certain d'une chose : Ces quelques mois durant lesquels il n'avait pas de souvenir l'avaient creusé, énergétiquement parlant, physiquement et mentalement. Il avait perdu quelques kilos qu'il devrait s'empresser de reprendre, ainsi qu'un peu de muscles. Un bon entrainement lui serait aussi utile, pour retrouver ses pouvoirs qui, manquant à l'appel, le rendaient aussi puissant qu'un rat d'égout. Cette constatation le blessant profondément, il croqua avec avidité dans une autre viennoiserie.
C'est la bouche plaine qu'il accueilli Soul d'un signe de main. Un café l'attendait déjà, en face de la tasse presque vide de Joshua.

La nuit avait été porteuse de conseil, pour au moins un des deux hommes. Même s'il avait passé une grande partie de celle-ci à dormir consciencieusement - une oreille toujours aux aguets, sait-on jamais - il s'était aussi réveillé à plusieurs reprises, faisant le tour de sa chambre à moitié nu avant de se recoucher.
Des réflexions, des mots, des souvenirs et ce bout de papier. Voilà les choses qui l'avaient poussé à faire les cent pas à plusieurs reprises pendant la nuit. Il était à présent certain de ce qu'il faisait, malgré la rapidité avec laquelle il avait décidé de son futur.

Il aurait, bien évidemment, pu rester sur Mog's. Mais dans ses souvenirs, s'il avait intégré ce clan, c'était uniquement parce qu'il avait été fait prisonnier. Aussi, c'est avec beaucoup de plaisir qu'il s'était prononcé pour faire partie, à nouveau, de l'équipe des Nihilistes. Peut-être était-ce un signe de son subconscient, il n'en savait pas plus. Dans tous les cas, seul le Néant lui permettait d'être plus libre dans ses recherches. Il le savait, il en était certain. Et si cela ne lui plaisait pas, il trouverait une façon d'en sortir.
Après tout, ce n'était pas plus compliqué que ça.

« Merci pour le café. »

Mais, à la vue de Soul, ce matin-là, il eut tout de même un léger doute. S'il avait été longtemps absent de cette guerre inqualifiable, il était aussi resté loin de tout ce qui la concernait, et ignorait sans doute beaucoup de choses. Les mesures s'étaient-elles endurcies? Restait-il encore beaucoup de ses nouveaux alliés? Il passa la langue sur ses lèvres.
Comme pensé la veille, les explications viendraient à temps.

« Tu connais le Néant donc. Sais-tu que même en acceptant de nous rejoindre, tu n'es pas automatiquement pris ? »

Hmph. L'affront du souvenir. Ou ce second combat raté dans la même journée face à un recruteur stupide aux cheveux blonds, dont Joshua avait oublié le prénom bien assez vite. T...Tayler? Tristian? Il fit la moue un léger instant, avant de répondre positivement à son interlocuteur.

« Je m'en doute, oui. Quel genre de tests devrai-je passer, et quand? »

Prêt? Ce n'était pas tout à fait le mot. Disons qu'il se savait en forme, pour avoir fait quelques étirements dans sa chambre et s'être aperçu que son corps suivait bien mieux ses gestes qu'il ne s'y attendait. Mais de là à dire qu'il était au top niveau...
Toujours ce froid dans ses mains, qui le rongeait. Il frissonnait de toutes parts, de façons discrètes, certes, mais tout de même. Le froid le gagnait toujours. Sa seule source, aussi infime soit-elle, de chaleur, restait le pendentif qu'il gardait contre son torse. Il lui sembla d'ailleurs que le Dragon se réchauffa à cette pensée. Mais ce n'était rien d'autre qu'une impression.

« S'il était possible de les réaliser le plus tôt possible, cela m'arrangerai. Et je suppose qu'il en est de même pour toi. »

Il se souvenait de la bribe de conversation entendue la veille et du ton dans lequel était prononcé les phrases. L'empressement, ou la voix de quelqu'un qui a des comptes à rendre.
Cela lui convenait parfaitement.

« Tu devras passer une épreuve. Ce sont des membres spéciaux de notre organisation qui s'en chargent. Et, bien entendu, tu te doutes que si tu échoues, tu mourras, et de même si jamais tu ne cèdes pas à leurs désirs ou à leurs exigences. »

S'en douter? Si peu. C'était évident. Les nihilistes n'étaient pas les agents de la Mog's. Si tu échoues, on ne t'efface pas gentiment la mémoire avant de t'envoyer ailleurs. Le Néant, c'est marche ou crève. Il l'avait toujours su, dès son entrée dans les troupes il y a de ça...
Il ne sait plus, mais tout de même. Il se souvient. Avoir été fait prisonnier par la Mog's, et regarder ses patrons le voir partir sans le défendre. Après tout, c'est ce qu'il avait toujours voulu. Agir seul, mourir seul. Le Néant lui convenait à merveille.

« Rejoins-moi dehors alors. Je te laisse régler la note. »

Avait-il manqué un bout de conversation, ayant été plongé dans ses pensées? Hm, sans doute que non. Soul avait dû se rendre compte de l'impatience dont il faisait preuve depuis leur rencontre. Lui avait-il seulement laissé le temps d'expliquer quoique ce soit? Absolument pas. D'ailleurs, il songea que demander des précisions par rapport à cette épreuve serait une bonne chose.
Mais, comme il l'avait comprit, ce ne serait pas Soul lui-même qui s'en chargerait, alors à quoi bon parler à un vulgaire subalterne, quand on peut côtoyer les grands?
Lorsqu'il vit sortir son recruteur, Joshua poussa un long soupire. Le ventre plein, le corps légèrement réchauffé...Il pouvait se permettre de le suivre, puisqu'il était en pleine forme. Il prit malgré tout une dernière viennoiserie avant de se glisser sans un bruit vers la porte d'entrée de l'auberge. Il leva un oeil, sourit, coinça la clochette avec un bout de gaufre au chocolat et ouvrit tout doucement la porte.
Sur la table, coincé entre la tasse et la sous-tasse de Soul, son billet, plus un appartenant à Joshua. Il reviendrait, cet endroit lui avait plu. Et son aubergiste somnolant au sourire accueillant davantage.

Dehors, par chance, il n'y avait pas encore de bruit. L'aubergiste ne se réveilla donc pas, ni à cause de la clochette que l'homme aux cheveux rouges avait prit soin de faire taire, ni à cause du brouhaha constant sur cette planète.

« Où allons-nous, à présent? »

Un frisson, énorme et peu appréciable, coula le long de sa colonne vertébrale. S'ils pouvaient ne pas passer par une gate...

La porte se referma derrière lui, sans grincer ni claquer. Dans le calme le plus plat, il rejoignit la rue où Soul terminait, à vue d'œil, une conversation écourtée. Le sourire que ce dernier lui adressa lui paru particulièrement faussé. Malgré tout, cela ne l'effleura pas davantage que la brise matinale qui le poussa à croquer un bout de son petit-déjeuner. Il faisait un peu frisquet, sa chemise tremblait au vent, autant que lui.
Un jour, il faudrait qu'il pense à cesser d'être frileux. Mais pas maintenant. Il traversa la rue, suivant Soul à grandes enjambées, caressant le bitume de ses pas muets. Car l'ombre qu'il était jouait avec la gravité comme une astronaute sur la Lune. Moritia, planète étrange, niait l'apesanteur, si bien qu'aucun pas ne s'entendait sur le sol. Il n'y avait que les corps qui tombaient, que l'on pouvait entendre. Et Joshua n'était pas encore de ceux là.

A l'abri, dans l'ombre d'une ruelle, il mordit une seconde fois dans sa viennoiserie, écoutant à moitié ce que disait l'autre homme. Quelle importance devait-il lui consacrer, puisque cet instant passé ensemble serait le dernier? Lui dire adieu? Joshua sourit.
Très peu pour lui, tout ça

« Tu vas traverser une Gate. Je suppose que tu sais ce que c'est, alors je t'épargne les détails. A ton arrivée, tu seras récupéré par celui qui te fera passer l'épreuve. Bon courage. »

Son estomac se serra soudainement. Gate. Combien de fois en avait-il traversé? Tout comme sa frilosité, voilà bien une chose que Joshua ne parviendrait jamais à vaincre. Il détestait voyager de cette façon. Et même si les trajets en navette étaient étonnement plus long, c'était de loin ce qu'il préférait. Tout, mais pas les Gates. Pourtant, aucun dirigeant ne partageait son avis, et il savait pertinemment que jamais personne n'adhérerait à son opinion.
Ce devait être ce petit machin en moins qu'avaient les Moritiens qui faisait que. Que traverser ces portails interdimentionnels était si désagréable pour sa carrure féroce.

« On se retrouve là-bas, ou se dit-on adieu ici? »

Un grand sourire s'imprima sur son visage. Il s'en foutait royalement, et l'ironie de sa voix se fit entendre sur chaque lettre. D'ailleurs, lorsque le portail se matérialisa devant lui, il n'attendit ni réponse ni autre cérémonial. Pour dernier geste, il engouffra le reste de nourriture dans sa bouche songeant qu'entre s'étrangler ou ressentir à nouveau les affres de la téléportation, il préférait le premier.
De loin.

« Chlu'rp Choul'. »

Il se mit à rire. Mieux vaut en rire que pleurer.
Puis il passa le premier pied dans la Gate en fermant les paupières le plus fort possible.